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leurs cris : " Aia !.. Aia !.. Maudélé !.. Aia !.. " me firent tourner la tête à l’instant où les quatre têtes étaient en plein champ de la portière. Ces femmes, alignées contre la barrière qui me cachait leurs corps, avaient posé leurs mentons sur la poutre supérieure ; je ne voyais d’elles que les visages offerts, joue à joue, sous le serre-tête de soie jaune. Elles riaient ; les doubles rangées de dents reluisaient au soleil, et pour mes yeux leur blancheur élargissait la bouche de chacune de ces femmes ; les dents formaient pour moi, à cause de la distance où j’étais, deux morceaux d’une faïence qui vibrait à la lumière ; et comme des sous qui ont rebondi au choc contre un roc sonore, les cris de ces femmes rieuses aboutissaient à nos oreilles comme un écho. Cela venait de la lourdeur du vide qui était la distance entre elles et moi.

"Aia!.. Aia!.. Maudélé!.. Maudélé!.. Aia!..’* Je les ai entendues, puis brusquement, comme une ventouse, le silence fit le vide. De temps en temps, d’espace en espace, je percevais un faible craquement tout pareil à un déclic de compteur. Cela venait de ce que, au dehors, le flanc du wagon était cinglé par la pointe d’une branche. Un épais fourré bordait la voie ; mais, à partir de ce fourré, le ciel, net comme une ardoise bleuâtre, était posé à plat sur la brousse qui, basse, frisée et noire, était dans l’œil d’un seul coup ; cette brousse doublait le ciel. Dieu ! que je la connaissais depuis longtemps ! Je savais qu’elle ne changerait pas jusqu’à Léopolville-Kinchassa ! J’avais le temps de faire un long, long somme !

J’avais déjà pris contact avec elle lors de mon premier séjour, quatre ans auparavant. Je me souvenais que le train avait quitté Matadi sous une pluie battante dont les