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L ISOLEMENT 24I

Réunis " ; mais il était devenu tel que je le voyais aujourd'hui. Je le regardais s'avancer, étayé de son noir et de sa canne, mais je revoyais le Martel d'autrefois, lors de nos deux passages à Matadi, celui du début et celui de la fin de mon premier séjour congolais.

Celui de la fin fut le plus long : une avarie de machine immobilisa le vapeur " Afrique " durant quinze jours et j'eus alors maintes occasions de m'entretenir avec Martel ou de le voir vivre.

Après trois ans de séjour, j'arrivais " du haut " en compagnie d'un agent de la N'Goko-Sangha.

Après trois ans de séjour, piétiner sur place à Matadi pendant quinze jours devant un vapeur estropié, celui qui allait me ramener en Europe !.. Quel supplice !.. Chaque matin, au saut du lit, après une nuit chez Ferrier, une nuit blanche, autant dire, tellement me hantait mon désir d'éloignement de ce Congo, je courais au domicile de Martel " Eh bien ?.. ce vapeur ?.. ", lui demandais-je. — Pas encore pour aujourdhui ! " me répondait Martel ; et sur ma figure déçue il ajoutait : " Vous désolez pas, voyons... C'est un de ces petits ennuis dont est tissée la vie coloniale... "

Chaque matin, sans en changer le moindre mot, la moindre iectre même, il m'a laissé choir sur le tympan, sur la cervelle, son : " Vous désolez pas, voyons... C'est un de ces petits ennuis dont est tissée la vie coloniale... " Le premier, le deuxième jour, ça allait bien, puis c'était devenu crispant, crispant comme l'est la petite pluie qui ne tombe pas mais fait dire du temps : " Ça brouillasse ! " la petite pluie qui vous donne la sensatio'i de poser vos joues contre une éponge saturée d'eau. Ah, surtout ce

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