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L ISOLEMENT 233

Je dormais à poings fermés, couché sur le flanc droit, et pourtant, je sentis brusquement que les deux mâchoires d'une tenaille de bois saisissaient mon épaule gauche à la naissance du bras ; mes yeux s'ouvrirent d'un seul coup des deux paupières toutes lâches : la face de Ferrier pesait sur la mienne du poids de l'haleine chaude de cet homme, et tremblait, car je la voyais à travers les secousses de ma tête déplacée au mouvement de mon épaule maniée par Ferrier qui me réveillait à l'heure fixée par moi la veille au soir.

"Hé, me dit-il, hé, l'homme... C'est l'heure... le porteur attend... j'I'ai retenu hier... "

Un noir, le sexe seul voilé d'une pièce de toile écrue, se tenait, immobile, dans le trou de la porte. Je reconnus un Echira à sa toison capillaire plus épaisse, plus fournie que celle des indigènes de Matadi, plus frisée, qui le coiffait d'une espèce de calotte d'astrakan, alors que ceux d'ici avaient sur le crâne un assemblage de rognures de coton noir ; à ses deux rangées de dents surtout, si aigui- sées, pointues, telles les pointes d'un râteau. Mes instants de vie à Setté-Cama — le pays des Echiras — me heur- tèrent en bloc le cervelet et j'eus la sensation d'un coup de poing à la base du crâne. Assis sur mon lit, mais le dos voûté d'un homme accroupi, et me maintenant ainsi k bout de bras raidis tout le long de mes jambes par la résistance de mes mains accrochées à mes doigts de pieds, j'avais de cette façon, encore à moitié endormi, pris machinalement la position du porteur Echira fatigué qui se repose à côté de sa charge sur le bord de la piste forestière. Comme assommé par une idée fixe, je songeais, la tête basse, à toute cette immensité remplie d'arbres

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