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SI LE GRAIN NE MEURT I y I

Zim la'î la ! Zim laï la ï Les beaux militaires !

Et soudain je reconnaissais aussi la chanson.

Il en est de même de ce bal rue de Crosne, que ma mémoire s'est longtemps obstinée à placer du temps de ma grand'mére — qui mourut en 73, alors que je n'avais pas quatre ans. Il s'agit évidemment d'une soirée que mon oncle et ma tante Henri donnèrent trois ans plus tard à la majorité de leur fille :

Je suis déjà couché, mais une singulière rumeur, un frémissement du haut en bas de la maison, joints à des vagues harmonieuses, écartent de moi le sommeil. Sans doute ai-je remarqué dans la journée des préparatifs. Sans doute l'on m'a dit qu'il y aurait un bal ce soir-là. Mais, un bal, sais-je ce que c'est ? Je n'y avais pas attaché d'importance et m'étais couché comme les autres soirs. Mais cette rumeur à présent... J'écoute ; je tâche de sur- prendre quelque bruit plus distinct, de comprendre ce qui se passe. Je tends l'oreille. A la fin, n'y tenant plus, je me lève, sors de la chambre à tâtons dans le couloir sombre et, pieds nus, gagne l'escalier plein de lumière. Ma chambre est au troisième étage. Les vagues de sons montent du premier ; il faut aller voir ; et à mesure que de marche en marche je me rapproche, je distingue des bruits de voix, des froissements d'étoffe, des chuchote- ments et des rires. Rien n'a l'air coutumier ; il me semble que je vais être initié tout à coup à une autre vie, mystérieuse, différemment réelle, plus brillante et plus pathétique, et qui commence seulement lorsque les petits enfants sont couchés. Les couloirs du second tout emplis de nuit sont déserts ; la fête est au-dessous. Avancerai-je

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