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164 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

vélocipèdes. L'espace asphalte, ou macadamisé, je ne sais, qui borde ce second Luxembourg, servait de piste aux amateurs ; juchés sur ces étranges et paradoxaux instru- ments, qu'ont remplacés les bicyclettes, ils viraient, pas- saient et disparaissaient dans le soir. Nous admirions leur hardiesse, leur élégance. A peine encore distinguait-on la monture et la roue d'arrière minuscule où reposait l'équilibre de l'aérien appareil. La svelte roue d'avant se balançait; celui qui la montait semblait un être fantasti- que. La nuit tombait, exaltant les lumières, un peu plus loin, d'un café-concert, dont les musiques nous attiraient. On ne voyait pas les becs de gaz eux-mêmes, mais, par- dessus la palissade, l'étrange illumination des marronniers. On s'approchait. Les planches n'étaient paç si bien jointes qu'on ne pût, par-ci par là, en appliquant l'œil, glisser entre-deux le regard : je distinguais, par-dessus la grouillante et sombre masse des spectateurs, l'émerveil- lement de la scène, sur laquelle une divette venait débiter des fadeurs.

Nous avions parfois encore le temps, pour rentrer, de retraverser le grand Luxembourg. Bientôt un roulement de tambour en annonçait la fermeture. Les derniers promeneurs, à contre gré, se dirigeaient vers les sorties, talonnés par les gardes, et les grandes allées qu'ils déser- taient s'emplissaient derrière eux de mystère. Ces soirs là ie m'endormais ivre d'ombre, de sommeil et d'étrangeté.

Quand j'eus atteint ma cinquième année, mes parents me firent suivre des cours enfantins chez Mademoiselle Fleur et chez Madame Lackerbauer.

Mademoiselle Fleur habitait rue de Seine. Tandis que

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