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NOTES I4I

les plus louables se trouvent-ils ainsi trahis ? Ce sourd travail de cinq ans qui s'est fait dans les esprits, cette usure silen- cieuse de nos goûts anciens a créé chez tous un vide, une attente, un désir. Des curiosités nouvelles sont nées — même chez ceux pour qui le cubisme n'était qu'un épouvantail. Quelle que fut la timidité de ceux-ci, les discussions que cette inquiétude, issue de Cézanne, suscita, ne fut pas sans les entamer. Peu à peu s'est installé en eux un goût inavoué pour l'articuîé. On a tant parlé de construction que l'esprit a sour- dement désiré édifier quelque chose qui puisse tenir debout. Mais ce ne fut là qu'un phénomène interne, une activité in- consciente. Les mains étaient occupées à d'autres besognes. Les moyens, non cultivés, ou cultivés par des isolés stagnaient. D'où déséquilibre entre les intentions du peintre et ses réali- sations ; et disproportion entre la demande du spectateur et la réponse de l'artiste. Dès lors, l'émotion qui, rendue sensible, sauve une œuvre imparfaite en lui donnant une âme, ne trouve plus dans une technique vieilHe un véhicule suffisant. Le réalisme des moyens seul visible, révolte notre regard, et l'idée de l'artiste nous demeure inconnue, n'étant pas mise en évidence. Nous n'entendons plus un seul des mots que certains nous adressent, et qui sont peut être des mots d'amour, parce qu'ils s'évanouissent en un langage insonore.

Des amateurs sans entrain, le visage ennuyé, nous avouèrent la déception que leur avait causé cette absence des œuvres fortes dont il prétendaient que nous avions prophétisé la venue. Les pochades mille fois vues, les formules ressassées ne les touchaient plus. " C'est à se demander, disait l'un d'entre eux, si l'on doit continuer à acheter de la peinture. "

Cet homme de bonne volonté exprimait exactement le malaise actuel, cette révolte des amateurs d'une espèce cepen- dant aventureuse, mais qui ne peuvent encore se décider à préférer à un art sans accent les formules cubistes pures autant en avance sur les conceptions moyennes actuelles que sont en retard les formules impressionnistes. Mais la conclusion que nous voulons tirer de ses paroles, c'est la déchéance des moyens impressionnistes, la faillite du langage direct.

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