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8 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

des plus récents écrivains. Ils passèrent sans transition de r " édition à frais d'auteur " aux grands tirages des éditions populaires, et de l'oubli à l'actualité. L'ère victo- rienne était close ; et même, bien des choses de cette époque-là : préjuges, conventions, insularismes, avaient précédé dans la tombe le court et gros cercueil de la vieille Reine. Il était naturel que le moins victorien, ou le plus anti-victorien, des écrivains de l'époque finie survécût à cette époque, et qu'une élite nouvelle le saluât comme un précurseur. Mais Samuel Butler était plus qu'un pré- curseur. On ne se contenta pas de le ** saluer " : on le lut avec avidité, comme s'il se fût agi d'un contemporain qui avait des choses neuves à dire, et on l'étudia comme on étudie les maîtres. Bien mieux : on le discuta, et aujourd'hui encore il trouve des adversaires. Enfin, le nombre de ses imitateurs augmente, et il ny a guère de revues, guère de journaux littéraires où on ne trouve quelque reflet de son esprit ou quelqu'une des expressions dont il a enrichi sa langue maternelle. Ce sont là des preuves assez solides que son œuvre est vivante et qu'elle le restera longtemps encore.

Quelque chose manquait à la gloire de l'écrivain et à la curiosité de ses admirateurs : une bonne biographie. Elle vient de paraître \ et de l'avis des critiques les plus autorisés, elle est non seulement bien faite, complète et digne de l'homme qu'elle nous fait mieux connaître, mais elle constitue par elle-même un momument litté- raire si remarquable qu'on l'a tout spontanément com- parée à ce grand ouvrage classique, à ce modèle des

' Samuel Butler^ author of " Ereivhon " (1835-1902). A menioir, by Henry Festing Jones, 2 vols. Londres, Macmillan and Co, 1919.

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