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I lO LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

II n'y aura plus désormais, si rarement d'accord, le point de vue de l'acteur et le point de vue de la pièce. Il ne sera plus permis à celui-là de tirer à lui la couverture, en supprimant dans un texte tout ce qui n'est pas jeu. Au contriairc, plus de vedettes ! Tous les acteurs au même plan ; la reine d'hier aujourd'hui suivante ; tous entraînés, éduqués et discipHnés dans un sens unique, sous l'unité absolue de la direction. Quand l'acteur comprendra ce qu'est la pièce, ce qu'il est dans la pièce et aura les moyens de s'exprimer " en harmonie avec ceux qui l'entourent ", dans ce concours parfait la pièce existera. Telle doit être la troupe du Vieux-Colombier, humble servante du poète.

Après cet exposé vivant, neuf, raisonnable, dont j'aurais en vain essayé de rendre l'accent, mais qui vaut assez par sa sub- stance même. Copeau, nous rappelant la phrase d'André Gide: " Il est bon pour l'artiste de savoir à qui il s'adresse", protesta contre le " mépris du pubHc " qui règne dans le monde des théâtres. Son public, il veut l'amener au même degré d'honnêteté et de sincérité que lui-même ; c'est pourquoi il ne lui cache rien de ses projets. Il le remercie de l'effort financier, indispensable hélas ! qu'il continue de faire ; il lui montre l'activité encourageante qui règne déjà rue du Vieux- Colombier : le maçon qui pose sa brique, l'homme passionné, penché sur son épure, '* qui gesticule " en travaillant, l'ami qui quitte son roman pour coller des " timbres-postes ", les costumières bénévoles qui taillent et courent tout le jour... On ne fait pas tout cela pour des snobs, mais pour un public éclairé, ennemi du dénigrement, de l'incompréhension du scepticisme. Nous devrions tous méditer la phrase célèbre que Copeau nous remémore : " On ferait beaucoup plus de choses dans la vie si l'on en croyait moins d'impossibles. " La résurrection du théâtre du Vieux-Colombier qui semblait l'être encore hier, ne ^l'est déjà plus aujourd'hui. Il a suffi d'un homme sagement sincère.

HENRI GHÉON

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