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980 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

l'air du jour neuf qu'enfin les feuilles des parcs ont lavé et renvoient avec leur odeur.

— Quelle vie ! fait Aiuore. Je réponds :

— Quelle vie ! mais je ne me rends pas bien compte de ce que je dis. Je n'ai plus la force de penser qui nous sonunes, pourquoi nous sommes là, si Aurore me plaît ou me déplaît, plus le goût de nuancer ma voix, mon accueil, plus le souci de faire du charme, d'ouvrir les yeux.

Aurore dit :

— Chez qui sommes-nous ?

— Je ne sais pas... Amené par des amis... Champagne chaud et sucré... s'en aller... où est la porte ?

— Ah 1 s'écrie Aurore avec fougue : vivre simplement, logiquement, en harmonie avec soi-même et avec le monde, l'équilibre des Grecs, la joie...

A ces mots stupides je reviens à moi. Voici dans mes nerfs la force que mes muscles me refusent ; l'exaspération me réveille. J'ai envie de lui demander pourquoi elle sort attifée ainsi, pourquoi elle campe dehors conmie une tzigane au lieu d'habiter sous un toit, comme tout le monde, envie d'écraser à coups de talon ses pieds par- faits, dans leurs sandales d'or, de lui tordre le cou. Je pense à des exercices forains sous l'œil des sergents de ville, dans la pluie, aux pauvres saltimbanques, je vomis les hérésies helvétiques et les visions d'art. Rien ne me calmera que de l'avilir, de l'humiher.

— Savez-vous faire le grand écart ?

— Bien sûr.

Elle fixe deux chaises et commence à se fendre.

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