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RÉFLEXIONS SUR LA LITTÉRATURE 95I

voix. C'est de là que vient la solidité substantielle de cette forme flaubertienne qui tant qu'il y aura une langue fran- çaise ne vieillira jamais, restera musclée et parfaite comme un dessin d'Ingres. Voyez au contraire comme date lujour- d'hui un style juxtaposé et papillotant, rebelle au parloir, tel que celui des Concourt et même d'Alphonse Daudet. L'écriture qui ne prend pas de près contact avec la parole se dessèche comme la plante sans eau.

Dans l'intérieur de ses Hmites, un peu étroites, cette prose est d'une délicatesse de rythmes, d'une science et d'une variété de coupe incomparables. Avec La Bruyère et Montes- quieu, Flaubert paraît dans la langue le maître de la coupe ; nul n'a de virgules plus significatives, d'arrêts de tous genres plus nerveux.

Ces qualités classiques ont été méconnues par les plus classiques. La voix de M. de Robert n'est pas isolée, et de son vivant comme après sa mort, le style de Flaubert a été âprement discuté, La critique universitaire a gardé une cer- taine défiance contre un écrivain qui n'était pas de l'Acadé- mie (où Maxime du Camp tenait une place pompeuse) et qui faisait autant de bruit que s'il en était. Sainte-Beuve en parle froidement. Faguet ne lui donne pas de place parmi ses maîtres du xix^ siècle, oracle du Brevet supérieur, et lui consacre plus tard, par raccroc, un petit volume hâtif. Brunetière l'aborde avec une hargne dont la mauvaise foi est insigne. Quand paraissent les Trois Contes, il écrit dans la Revue des Deux Mondes : « Dans l'école moderne, quand on a pris une fois le parti d'admirer, l'admiration ne se divise pas, et l'on a contracté du même coup l'engagement de trouver tout admirable. Il est donc loisible, il est même éloquent à M. Flaubert d'appeler VitelUus « cette fleur des fanges de Caprée ». Quels rires cependant si c'était dans Thomas que l'on découvrît cette étonnante périphrase, et

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