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RÉFLEXIONS SUR LA LITTÉRATURE 947

dans le Fanal de Rouen et les fassent admirer d'un public nombreux. Au contraire Flaubert ne tournerait pas s'il n'y avait pas le Fanal et M. Homais. La destinée intelligente avait d'ailleurs placé M. Homais à côté de lui sous le nom de Maxime du Camp.

Flaubert a continué à tourner comme Antoine, à la der- nière ligne de la Tentation, se remet en prières et comme Bouvard et Pécuchet recommencent à copier. Mais comme il tourne difficilement il a besoin des conseils d'autrui. Il est à remarquer que les trois quarts des faiblesses et des incor- rections que l'on peut relever, à titre de taches négligeables, à travers l'œuvre de Flaubert se trouvent dans Madame Bovary, — les Œuvres de jeunesse étant laissées de côté. La raison en est simple. C'est qu'à partir de Salammbô, Flaubert fait prudemment écheniller ses épreuves par des amis et en particulier par Bouilhet. On trouve dans l'édition Conard la liste des remarques de Bouilhet sur l'Education sentimentale, et Flaubert, qui a déféré à un certain nombre, aurait pu sans inconvénient en admettre davantage.

Une partie de la mauvaise humeur avec laquelle il écrit lui vient sans doute de ceci. Il sait combien il est difficile d'écrire parfaitement le français. Il sait combien sont rares, au xix® siècle, les grands écrivains qui ont connu intégrale- ment l'intérieur, les ressources, la vie de leur langue. Après Chateaubriand, Victor Hugo et peut-être Théophile Gautier, on serait assez embarrassé d'en citer un quatrième. Il s'épuise à la recherche de la correction, de la propriété, du nombre. Il les trouve souvent, surtout le nombre. Mais autant il est hésitant et difficile sur le choix de ses mots et de ses phrases, autant il est absolu sur l'excellence de ce qu'il a laissé im- primer et supporte impatiemment la critique. Il sent qu'il a avantage à demander des conseils, s'y soumet assez docile- ment, tant que l'œuvre se fait. Mais quand l'œuvre est faite,

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