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93^ LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Je tombai à genoux près de son lit, tout en gardant sa frêle main dans la mienne ; mais elle, se dégageant, commença de caresser mon front, tandis que j'enfonçais dans les draps mon visage pour lui cacher mes larmes et pour y étouffer mes sanglots.

— Est-ce que vous trouvez que c'est très mal ? reprit- elle alors tendrement ; puis comme je ne répondais rien :

— Mon ami, mon ami, vous voyez bien que je tiens trop de place dans votre cœur, et votre vie. Quand je suis revenue près de vous, c'est ce qui m'est apparu tout de suite ; ou du moins que la place que j'occupais était celle d'une autre, et qui s'en attristait. Mon crime est de ne pas l'avoir senti plus tôt ; ou du moins — car je le savais bien déjà — de vous avoir laissé m'aimer quand même. Mais quand m'est apparu tout à coup son visage, quand j'ai vu sur son pauvre visage tant de tristesse, je n'ai plus pu supporter l'idée que cette tristesse était mon œuvre... Non, non, ne vous reprochez rien ; mais laissez-moi partir et rendez-lui sa joie.

La main cessa de caresser mon front ; je la saisis et la couvris de baisers et de larmes. Mais elle la dégagea impatiemment et une angoisse nouvelle commença de l'agiter.

— Ce n'est pas là ce que je voulais dire ; non, ce n'est pas cela que je veux dire, répétait-elle ; et je voyais la sueur mouiller son front. Puis elle referma les yeux et les garda fermés quelque temps, comme pour concentrer sa pensée, ou retrouver son état de cécité première ; et d'une voix d'abord traînante et désolée, mais qui bientôt s'éleva tandis qu'elle rouvrait les yeux, s'anima jusqu'à la véhémence : ^

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