Page:NRF 13.djvu/932

Cette page n’a pas encore été corrigée

924 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

sion à l'infirmité de Gertrude est de nature à particu- lièrement me blesser. Elle me fait sentir, du reste, que ce que j'admire surtout en Gertrude, c'est sa mansuétude infinie : je ne l'ai jamais entendue formuler le moindre grief contre autrui. Il est vrai que je ne lui laisse rien connaître de ce qui pourrait la blesser.

Et de même que l'âme heureuse, par l'irradiation de l'amour, propage le bonheur autour d'elle, tout se fait à l'entour d'Amélie sombre et morose. Amiel écrirait que son âme émet des rayons noirs. Lorsqu' après une journée de lutte, visites aux pauvres, aux malades, aux affligés, je rentre à la nuit tombée, harassé parfois, le cœur plein d'un exigeant besoin de repos, d'affection, de chaleur, je ne trouve le plus souvent à mon foyer que soucis, récriminations, tiraillements, à quoi mille fois je préférerais le froid, le vent et la pluie du dehors. Je sais bien que notre vieille Rosalie prétend n'en faire jamais qu'à sa tête ; mais elle n'a pas toujours tort, ni surtout AméHe toujours raison quand elle prétend la faire céder. Je sais bien que Charlotte et Gaspard sont horriblement turbulents ; mais Amélie n'obtiendrait-elle point davantage en criant un peu moins fort et moins constamment après eux ? Tant de recommandations, d'admonestations, de réprimandes perdent tout leur tranchant, à l'égal des galets des plages ; les enfants en sont beaucoup moins dérangés que moi. Je sais bien que le petit Claude fait ses dents (c'est du moins ce que sou- tient sa mère chaque fois qu'il commence à hurler) mais n'est-ce pas l'inviter à hurler que d'accourir aussitôt, elle ou Sarah, et de le dorloter sans cesse ? Je demeure persuade qu'il hurlerait moins souvent si on le laissait

�� �