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POÉSIE ET MÉMOIRE 913

établie, il s'en trouve qui aient cité de mémoire un vers de Chénier... sans recourir à leur bibliothèque.

Le poète contemporain le plus lu, surtout par les femmes, est sans doute Albert Samains. Dans l'œuvre de ce poète, si riche en beaux vers descriptifs, on trou- verait difficilement un vers animé de cette vie émou- vante qui est un gage de durée. Mais dans un siècle, peut-être qu'une jeune fille se reprendra à feuilleter un album de musique et chantera, siu: les rythmes faciles de M. Gabriel Fauré :

Voici que les jardins de la nuit vont fleurir...

Les deux genres de poésie qui se gravent le mieux dans la mémoire sont justement ceux que nos contemporains ont négligés volontairement. Les uns ont pris à la lettre le conseil de Verlaine, et ayant « tordu son cou » à l'Elo- quence ont servi, en son heu et place, une muse bégayante; les autres, par un souci d'originalité extérieure, ont fui les rythmes chantants et les cadences trop nettes. Parfois, un souci d'art très noble, une conscience scrupuleuse dictaient cette attitude. On a tort de regarder comme futiles les questions de prosodies et les controverses auxquelles elles donnent lieu. Dans les Notes sur la tech- nique poétique, de MM. Ch. Vildrac et G. Duhamel, qui sont intéressantes à plus d'un titre, on saisit très bien les dégoûts, les aspirations et les intentions de toute une génération de poètes qui débutaient alors dans les lettres. Rien de plus instructif que ce genre d'ouvrage ; il faudrait qu'il en parût un tous les dix ans, de même valeur, où des poètes tâcheraient à justifier leur technique et à

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