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880 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

intelligent, au regard hardi et sensuel. Il travaille bien ; c'est pour cela qu'on le garde, malgré sa mauvaise réputa- tion. On dit qu'il a fait de la prison pour braconnage ; aussi reproche-t-on dans la commune à Dolet d'employer du triste monde. Il est si endetté qu'aucun boulanger ne lui fait plus crédit ; il boit toute sa paie et laisse sa femme se débrouiller avec ses quatre enfants. L'aîné est Julien ; le second va encore à l'école et, au dire de l'instituteur, « c'est une graine d'apache ». Il y a encore une petite fille et un petit garçon de trois ans. La femme est ime pauvre créature, pleurante et incapable. L'année der- nière, elle disait ne pouvoir travciiller parce que son gar- çon de deux ans ne se laissait pas sevrer et refusait la soupe. Il fallut que, pendant un mois, ma femme la fît venir chaque jour pour lui montrer comment on accou- tume un enfant à la cuillère. Il y a trois ou quatre ans, la misère des aînés faisait pitié à tous les voisins. Ils étaient roués de coups et allaient presque nus. Un hiver, Rongeard qui avait pris à l'alloue des terrassements, faisait pousser la brouette au petit Julien dont les pieds saignaient d'engelures. Sa mère venait parfois se plaindre de l'enfant, attribuant tous ses défauts au fait qu'elle ne l'avait pas élevé elle-même, mais qu'il avait été confié à sa tante : « A son âge, tous les vices qu'il a déjà ! Il en a que je ne peux seulement pas vous dire. »

Depuis que Dolet l'avait pris à son service, ce petit me frappait par sa mine éveillée, son joh regard, son sourire content sitôt qu'on lui adressait la parole. Dolet ne cache pas qu'il éprouve un certain attachement pour cet enfant.

— Je suis bien embarrassé, dit-il. On ne voudrait pas lui nuire s'il n'a rien fait. Mais ce n'est pas lui rendre ser-

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