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RÉFLEXIONS SUR LA LITTÉRATURE 781

des cloportes. Quant au reste, le plan, les personnages, cela m'est bien égal. » Il n'y a qu'à ôter à cela tout l'appareil mystificateur pour en reconnaître la substance vraie.

Il est naturel qu'un art dramatique construit de thèmes ait moins qu'un art dramatique, fait essentiellement de dis- cours et d'action, une tendance à créer une suite, un genre, une école. Eschyle reste isolé dans la dramaturgie grecque. La tragédie française ne procède pas plus que celle de Sophocle et d'Euripide par thèmes : il y a d'ailleurs des exceptions, il semble qu'on reconnaisse un thème originel, simple et puissant dans le Cid, Polyeucte, Athalie. On se rendra d'ail- leurs assez bien compte de l'origine d'une pièce en imaginant sur elle une ouverture musicale, et en cherchant si elle rend ou non comme source de cette eau nouvelle. Gounod et Masse- net ont eu beau faire un Polyeucte et un Cid médiocres : ils ne se seraient jamais risqués à une audace pareille sur Mithridate ou Nicomède. Mais Shakespeare, Gœthe, Ibsen sont trois types d'auteurs dramatiques qui pensent leurs drames par thèmes. Hamlet et la Tempête, Faust et Iphigénie, Peer-Gynt et Brand ne sont point isolés dans leur œuvre, ils appartiennent à tout un massif qui les soutient et les élève. On pourrait montrer dans Claudel un type remarquable de ces auteurs dramatiques à thèmes (le contraire exactement des auteurs à thèses). Je m'en tiens à Shakespeare, ou plutôt à Comme il vous plaira.

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��Le thème de Comme il vous plaira se retrouve dans beau- coup de pièces de Shakespeare et il n'en est pas qui l'ait davantage hanté. C'est ce qu'on pourrait appeler d'un mot le thème de l'exil. Certaines valeurs de bonté, d'intelligence, de lucidité, de nervosité excessive sont de trop ou ne sont pas

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