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756 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

notre misère supportable, si nous nous contentions des maux réels sans prêter l'oreille aux fantômes et aux monstres de notre esprit... Mais je me laisse aller à noter ici ce qui ferait plutôt le sujet d'un sermon (mat. xii, 29. « N'ayez point l'esprit inquiet »). C'est l'histoire du déve- loppement intellectuel et moral de Gertrude que j'ai entrepris de tracer ici. J'y reviens.

J'espérais pouvoir suivre ici ce développement pas à pas, et j'avais commencé d'en raconter le détail. Mais outre que le temps me manque pour en noter minutieu- sement toutes les phases, il m'est extrêmement difficile aujourd'hui d'en retrouver l'enchaînement exact. Mon récit m'entrainant, j'ai rapporté d'abord des réflexions de Gertrude, des conversations avec elle, beaucoup plus récentes, et celui qui par aventure lirait ces pages s'éton- nera sans doute de l'entendre s'exprimer aussitôt avec tant de justesse et raisonner si judicieusement. C'est aussi que ses progrès furent d'une rapidité déconcertante : j'admirciis souvent avec quelle promptitude son esprit saisissait l'aUment intellectuel que j'approchais d'elle et tout ce dont il pouvait s'emparer, le faisant sien par un travail d'assimilation et de maturation continuel. Elle me surprenait, précédant sans cesse ma pensée, la dépassant, et souvent d'un entretien à l'autre je ne recon- naissais plus mon élève.

Au bout de peu de mois il ne paraissait plus que son intelligence avait sommeillé si longtemps.-» Même elle montrait plus de sagesse déjà que n'en ont la plupart des jeunes filles, que le monde extérieur dissipe et dont maintes préoccupations futiles absorbent la meilleure attention. Au surplus elle était, je crois, sensiblement plus

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