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748 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

pensées, et combien promptement elle parvint à s'expri- mer d'une manière, non point enfantine, mais correcte déjà, s'aidant pour imager l'idée, et de la manière la plus inattendue pour nous et la plus plaisante, des objets qu'on venait de lui apprendre à connaître, ou de ce dont nous lui parlions et que nous lui décrivions, lorsque nous ne le pouvions mettre directement à sa portée ; car nous nous servions toujours de ce qu'elle pouvait toucher ou sentir pour expliquer ce qu'elle ne pouvait atteindre, procédant à la manière des télémétreurs.

Mais je crois inutile de noter ici tous les échelons pre- miers de cette instruction qui, sans doute, se retrouvent dans l'instruction de tous les aveugles. C'est ainsi que, pour chacun d'eux je pense, la question des couleurs a plongé chaque maître dans un même embarras. (Et à ce sujet je fus appelé à remarquer qu'il n'est nulle part question de couleurs dans l'Evangile.) Je ne sais com- ment s'y sont pris les autres ; pour ma part je commençai par lui nommer les couleurs du prisme dans l'ordre où l'arc-en-ciel nous les présente ; mais aussitôt s'établit une confusion dans son esprit entre couleur et clarté ; et je me rendais compte que son imagination ne parve- nait à faire aucune distinction entre la qualité de la nuance et ce que les peintres appellent, je crois, « la valeur ». Elle avait le plus grand mal à comprendre que chaque cou- leur à son tour pût être plus ou moins foncée, et qu'elles pussent à l'infini se mélanger entre elles. Rien ne l'intriguait davantage et elle revenait sans cesse là- dessus.

Cependant il me fut donné de l'enmiener à Neuchâtel où je pus lui faire entendre un concert. Le rôle de chaque

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