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LA SYMPHONIE PASTORALE 729

— Ne la réveillez pas, dis-je doucement, pour inviter la voisine, tout au moins à baisser la voix.

— Oh ! je ne pense pas qu'elle dorme ; mais c'est une idiote ; elle ne parle pas et ne comprend rien à ce qu'on dit. Depuis ce matin que je suis dans la pièce, elle n'a pour ainsi dire pas bougé. J'ai d'abord cru qu'elle était sourde ; la servante prétend que non, mais que simple- ment la vieille, sourde elle-même, ne lui adressait jamais la parole, non plus qu'à quiconque, n'ouvrant plus la bouche depuis longtemps, que pour boire ou manger.

— Quel âge a-t-elle ?

— Une quinzaine d'années, je suppose ; au reste je n'en sais pas plus long que vous...

Il ne me vint pas aussitôt à l'esprit de prendre soin moi-même de cette pauvre abandonnée ; mais après que j'eus prié — ou plus exactement pendant la prière que je fis, entre la voisine et la petite servante, toutes deux agenouillées au chevet du lit, agenouillé moi-même — il m'apparut soudain que Dieu plaçait sur ma route une sorte d'obligation et que je ne pouvais pas sans quelque lâcheté m'y soustraire. Quand je me relevai, ma décision était prise d'emmener l'enfant le même soir, encore que je ne me fusse pas nettement demandé ce que je ferais d'elle par la suite, ni à qui je la confierais. Je demeurai quelques instants encore à contempler le visage endormi de la vieille, dont la bouche plissée et rentrée semblait tirée comme par les cordons d'une bourse d'avare, instruite à ne rien laisser échapper. Puis me retournant du côté de l'aveugle je fis part à la voisine de mon intention.

— Mieux vaut qu'elle ne soit point là demain, quand on viendra lever le corps, dit-elle. Et ce fut tout.

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