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690 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

ORIAN. — Alors, est-ce que vous me conseillez de déserter ? Est-ce que vous m'enfermerez à clef dans votre maison et je n'aurai pas d'autre affaire au monde que de vous caresser ? Est-ce que je n'aurai pas d'autre but que vous ?

Qu'est-ce que vous aimez en moi, sinon ce but pour lequel j'ai été fait ? sinon ce terme que j'ai été fait pour atteindre et qui m'explique et sans lequel je ne suis qu'ime réunion de membres au hasard ?

Quand je l'aurai atteint, et s'il me faut mourir pour cela, c'est alors que je posséderai mon âme et que je pourrai vous la donner. C'est pour vous aussi qu'il est nécessaire que j'existe.

Jusque-là c'est le devoir qui passe d'abord, quel qu'il soit, urgent, aussitôt, dès qu'il se présente !

Quand je vivrai enfin, quand je ne serai plus cet Orian aveugle et à demi dormant, mais quelqu'un dans \m rap- port étemel enfin avec une Cause raisonnable...

PENSÉE. — Cet Orian que vous dites, était assez pour moi.

ORIAN. — ... C'est alors que je pourrai revenir vers vous, ma chérie, et vous dire : Ouvre les yeux. Pensée !

PENSÉE. — Il n'y a rien à voir dans mes yeux.

ORIAN. — Il y a la mort qui m'attend, sans œuvres et sans postérité.

PENSÉE. — C'est cela que tu vois quand tu me regardes?

ORIAN. — C'est cela que tu m'annonçais et que j'ai aimé en toi.

PENSÉE. — La mort pour moi, est-ce que tu la pré- fères à la vie ?

ORIAN. — Oui, Pensée.

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