688 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE
Cette humiliation que j'ai apprise depuis le jour où je suis née. Juive, aveugle.
Est-ce que ce sera pour rien ? Ces larmes les oublie- rai-je? Ah I il ne faut pasm'aimer!
Jures-tu qu'il y a un endroit quelque part pour que ces deux choses y subsistent :
Ce besoin que j'ai de l'amour et cette certitude qu'il n'y a rien en moi pour le mériter ?
ORIAN. — C'est vrai qu'il ne faut pas vous aimer ?
PENSÉE. — Non, cher époux, non, il ne faut pas m'aimer I Quel chemin y a-t-il de vous à moi ?
Je vous aime trop. Je vous ai tellement attendu.
Pour me faire croire que vous m'aimez, Orian, c'est difi&cile. Qui ne voit pas, il lui faut autre chose que ces paroles à tous.
Quelque chose qui soit à lui, quelque chose qui lui soit personnellement adressé. Une preuve qu'il n'y ait pas moyen de récuser. Et puisqu'il jie voit pas.
Ce que ses mains peuvent tenir.
ORIAN. — Et si je meurs pour vous, Pensée, est-ce que ce sera sufi&sant ?
PENSÉE, geste vers lui, — Si vous mourez!
Si vous mourez, ce ne sera pas pour moi, mais pour la France que vous me préférez.
ORIAN . — Si j e ne meurs, j e ne puis arriver j usqu'à vous.
PENSÉE. — Et qui donc alors me fera entendre ce mot que mon cœur attend ? Pour me faire croire que vous m'ai- mez,Orian, c'est difi&cile, — à moins que vous ne me le disiez 1
Mais dites seulement : Je vous aime 1 et cela me sufi&t. Dites seulement : Je vous aime, et je le croirai aussitôt.
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