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LA PENSÉE FRANÇAISE DEVANT LA GUERRE 665

âme sociale déclaraient avec ensemble, tant ils sont accou- tumés à se plier aux modes, et aux heures les plus cruelles de la guerre, que les intellectuels apparaîtraient après la guerre comme « des produits de luxe un peu démodés ». Il est vrai que chacun se fait de l'intellectuahsme une con- ception à la mesure de son esprit. Il est vrai aussi que les problèmes actuels sont d'ordre pratique. Mais sont-ce des raisons suffisantes pour que nous doutions de l'intelligence? Ceux qui se sont tenus délibérément à l'écart de la vie moderne et qui faisaient fonction de penser ne sauraient lui reprocher son aveuglement. Eux seuls ont méprisé la science et ses méthodes, méconnu la puissance de l'indus- trie, oublié que les intérêts économiques nationaux l'emportent sur les considérations de parti. La philosophie du sentiment doit imputer au seul défaut d'une discipline qu'elle n'eut jamais le courage de se donner, son manque de clairvoyance.

Sans doute, les conditions de la spéculation se trans- forment. Les problèmes d'école qui ont toujours conservé « une mine paysanne et scolastique » disparaissent. Les problèmes véritables s'infléchissent. Nous devons faire face à des réalités nouvelles. La réalité collective se dévoile dont certains penseurs avaient entrepris, après Montesquieu, l'étude, malgré l'opposition des spiritualistes soucieux de défendre un individualisme étroit et craignant de voir une interprétation positive des mœurs susciter une orien- tation nouvelle de la conduite. La structure sociale, mise à nu par des forces dévastatrices longtemps contenues, révèle, plus violemment que ne l'ont fait les crises de gouvernement et les crises économiques, les forces morales qui se dégagent des groupes. Imperceptiblement, échap-

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