58 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE
��La salle est grande, mais elle est encombrée. Les lits s'y pressent et y forment plusieurs rangées. Chaque lit est une petite patrie dans cette cohue. Chaque lit porte une charge de bibelots, de souvenirs, de menus trésors. C'est au pied du lit que l'on reçoit ses visites. C'est sur le lit qu'on rêve à la figure qu'on pourrait avoir plus tard. Il est bon de posséder cette patrie minuscule, car, en général, on séjourne ici de longs mois : il faut beaucoup de temps et d'ingéniosité pour mystifier le malheur et lui faire lâcher pied.
La porte de la salle s'ouvre ; un grand jeune homme apparaît. Il a l'air affable et soucieux. Il est escorté d'autres personnes vêtues, comme lui, de toile écrue. Est-ce un homme comme les autres ? En vérité, non ! Il n'est pas semblable aux autres : c'est lui qui fait les miracles.
Il se hâte pour traverser la salle. Il semble que toutes les pensées et tous les corps qui remuent dans cette enceinte soient brusquement orientés, comme la limaille par un pôle d'aimant. Ceux qui gisent sur leur lit, empa- quetés dans les pansements, tendent brusquement leur regard et leur volonté. Les autres se pressent dans l'allée centrale. Beaucoup contemplent sans rien dire celui qui doit les sauver ; d'autres l'abordent et lui font, à voix basse, une petite confidence qui ressemble toujours à une supplication.
Il écoute, il répond, il promet, il passe. Il voudrait dire: « Allez, et que votre visage d'autrefois vous soit rendu ! »
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