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LA PENSÉE FRANÇAISE DEVANT LA GUERRE 649

mouvement du cœur, dans un thème ou dans une formule, car ils croient encore à la puissance magique des formules. Ils apprêtent un piège dialectique. La vie mobile et fuyante contourne les appareils formidables de mots, sans laisser d'elle davantage qu'un reflet. Ils essaient alors de l'imiter ; ils se veulent multiples et universels conmie elle. Ne voyant plus dans le réel que conflits, con- tradictions, antagonismes, ils demandent à l'imagination distendue le secret des métamorphoses. Le même mouve- ment d'idéalisme traverse Hegel, Fichte, Schelling et Wagner. Ils n'ont jamais su trouver la forme harmonieuse et aimée en qui la vie suspendue s'épanouit et s'achève. Leur métaphysique ne trahit qu'un mauvais esprit de révolte et leur inquiétude ne s'apaise que dans un rêve d'orgueil mystique. Ils ne savent que l'art de rêver.

Cet esprit s'introduit en France, au lendemain de l'aventure impériale, lorsqu'il ne reste, avec l'amertume du souvenir qu'un vide de l'âme. Au sein d'une dissolution générale où rien d'autre ne subsiste que des cadres admi- nistratifs, on attend de la Sainte Alliance un roi et un régime mental. L'invasion de 1815 permet une invasion plus subtile, plus complexe, plus tenace. La sensibilité nouvelle s'empare des esprits, qui combine étrangement le réalisme des buts poUtiques et le mysticisme. Les éléments empruntés à la civiHsation française s'y recon- naissent encore assez pour qu'elle ait comme un air de parenté avec l'esprit français. Mais sa violence naturelle la rend dominatrice. Exploitant la réprobation morale qu'inspire l'irréligion du xviii® siècle et la crainte qu'ins- pirent les idées révolutionnaires, elle conquiert la pensée française. Et le mouvement d'enthousiasme qui anime

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