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648 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

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��Sous le mouvement qui transforme l'Allemagne à la fin du XVIII6 siècle et au début du xix®, qui traverse la religion, la philosophie et l'art, c'est l'esprit allemand qui secoue la tutelle où le tenaient notre politesse et nos lettres et donne libre cours à sa sensibilité. Il révèle, comme Faust, « un cœur d'enfant et un esprit séculaire ». Son émotion devant la vie l'enchante, tant elle paraît neuve ; car il est sans souvenirs. Il ne sait qu'imaginer son passé et pro- jette sur le présent ses aspirations confuses. Alors une réalité seconde se dévoile. A l'appel des poètes tout un monde caché et invisible qui sommeillait dans l'œuvre d'Albrecht Durer, qui chuchotait à travers les légendes ancestrales, se reprend à vivre. Les cosmogonies renaissent. Dans la nature célébrée jadis par Jacob Bôhme, tout devient étrange et prend un sens mystique. Novalis épie au fond de l'être humain l'action sourde de forces insoup- çonnées. La sensualité rêve avec Schumann au jardin de Marguerite. L'ivresse lourde et la joie triste des foules traversent les symphonies de Beethoven comme ime supplication. Partout l'imagination se joue. Toujours créatrice, elle ignore la saveur des plénitudes et jamais elle ne souhaite arrêter la minute qui passe.

Telle est la sensibiUté allemande. Tout en elle traduit le trouble, l'inquiétude violente, le désir de vivre insatis- fait. On sent ses rehgieux, ses musiciens, ses philosophes à la poursuite de la vie. Mais elle est impétueuse et brutale ; c'est ime chasse plutôt qu'une recherche. La vie se dérobe. Ils voudraient l'enserrer, la contenir dans un

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