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LA PENSÉE FRANÇAISE DEVANT LA GUERRE 647

étrangères qu'un prétexte pour se mieux connaître et rejoindre ses traditions véritables. Il se passionne, il se prête à tous les mouvements d'enthousiasme, il a toutes les curiosités. Mais jamais son admiration n*est entière. La vigueur de ses instincts, la force avec laquelle ses tendances s'expriment le défendent des émotions fugitives et superficielles. Celui-là seul redoute l'échange qui craint de ne pouvoir réagir. L'appréhender, c'est déjà douter un peu de soi-même, c'est sentir la misère de sa personnalité.

Car, dès que l'homme est trop faible pour laisser la marque de sa pensée empreinte sur les choses, les idées se désagrègent. Leur signification objective, impersonnelle se dissipe. Elles se métamorphosent et ne sont plus que cristallisation de tendances, expression indécise d'images et de désirs. Elles engourdissent l'intelhgence, envahissent l'être devenu trop plastique et s'emparent de la sensibilité surprise. Il n'y a plus échange, mais substitution.

Cette distinction jette sur l'influence allemande un jour nouveau. Il n'y a ni à s'étonner ni à s'inquiéter si, dans l'ordre scientifique et philosophique, des idées alle- mandes ont pu attirer notre attention, puisque la pensée allemande participait, jusqu'en 1914, de la pensée euro- péenne. Mais on peut se demander si, à la faveur et sous le couvert d'idées qui ont une portée internationale, la sensibihté allemande, demeurée profondément nationale, n'a pas introduit en France une manière nouvelle de sentir que nous avons crue naturelle et autochtone. On peut se demander si la sensibihté allemande n'a pas été un des agents les plus directs de la désorganisation intel- lectuelle entreprise en France par la philosophie du senti- ment.

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