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��LA PENSEE FRANÇAISE DEVANT LA GUERRE

��« Je regarde humainement les choses. » Vauvenargues

En bouleversant les manières d'agir et les manières d'être, en suscitant des conditions d'existence nouvelles, l'état de guerre a eu, dans tous les domaines, une pro- fonde répercussion. Il n'est pas jusqu'à l'ordre mental lui- même qu'il n'ait modifié spontanément et pour ainsi dire à l'insu des esprits. La nécessité de faire face à un péril vital et de se mettre en état de défense a interrompu le jeu régulier des forces intellectuelles. Des forces nouvelles ont surgi qui se sont emparées des consciences. Absorbés par les événements, sollicités par l'imagination, trans- figurés par des émotions intenses, les esprits ont perdu leur individualité logique. Il a fallu agir et non plus penser, dans une communion étroite de sentiments. Et la vie intellectuelle, qui est faite d'échanges et d'élaboration critique, qui se nourrit des divergences et même des dissidences, a disparu.

Peu à peu, le besoin de comprendre sa propre activité a suscité dans la nation le réveil d'une réflexion timide. Constatant l'existence d'un état de conformisme, elle a

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