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628 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Pourtant, voici que, déjà, des interprétations difiEé- rentes s'élèvent sur le sens de leur sacrifice, et surtout que les partis s'empressent de réclamer ceux des leurs qui sont tombés. Puisque la victoire a couronné nos efforts, il semble que chacun veuille trouver en elle, par le nombre de ses morts, une justification suprême de ses idées.

Qui se fierait à ces apologies pour découvrir le sens réel de la guerre — car il est certain que la grande guerre, si dominée par les idées, a un sens et que nous devons nous efforcer de le pénétrer afin d'en tirer leçon, une leçon euro- péenne — risquerait fort de tomber dans la plus étrange confusion. M. Alphonse Mortier ne le voit pas, qui prêche pour son saint et dont la foi, en toute sincérité, est exclusive. En réahté on se retrouverait et nous nous retrouvons — pour combien de temps encore ? — dans la même confusion intellectuelle qui existait à la veille de la guerre et dont les preuves ont été rassemblées par M. Alphonse Séché dans un hvre paru en 19 14, qui porte précisément pour titre Le Désarroi de la Conscience Française. Si l'on avait besoin d'autres témoignages on les trouverait abondants dans les enquêtes ouvertes sur l'esprit de la nouvelle génération et particuUèrement dans l'enquête de M. Emile Henriot : A quoi rêvent les jeunes gens (1913), dans celle de MM. Jean Muller et Gaston Picard : Les Tendances présentes de la litté- rature française (1913) et enfin dans le gros livre de M. Flo- rian-Parmentier : Histoire Contemporaine des Lettres Fran- çaises (1914)-

On doit cependant remarquer que cette confusion portait sur l'ensemble et résultait de la grande diversité des opinions. Elle n'était pas dans les âmes. La plupart se montraient au contraire très sûres d'elles-mêmes, tout à fait affirmatives sur leurs principes et il y avait en effet en cela quelque chose de nouveau. Vingt ans auparavant, bien peu de jeunes

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