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6l4 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

ments de ce que leurs actes nous ont valu ? Ils ont sauvé la France : pourquoi ne peuvent-ils pas se résigner à ce que ce soit pour de bon ?

« La victoire apporte à notre génération des possibilités magnifiques. C'est à ceux qui survivent qu'il appartient de les réaliser, en pensant cette victoire où ne doit pas s'achever leur effort. » Nous sommes entièrement d'accord sur les termes. Mais « penser la victoire », pour les auteurs du manifeste, c'est continuer d'en penser les moyens, alors qu'elle est déjà acquise ; pour moi, c'est commencer à en penser les résultats, les fruits ; c'est l'épanouir ; c'est lui faire rendre ce qu'elle contient ; c'est profiter justement de cet « être » qu'elle nous donne ; c'est en profiter pour augmenter le plus possible notre « comprendre » (qui d'ail- leurs, j'en suis persuadé, se changera en du « plus-être » presque aussitôt).

Et je sais bien que l'on va m'objecter un passage de l'ar- ticle que je publie dans le présent numéro, où je dis nette- ment que notre victoire n'est ni complète, ni décisive ; on me demandera comment je puis dès lors contester qu'elle ait besoin d'être prolongée, achevée et qu'il faille conti- nuer de lui dédier toutes nos forces, intelligence comprise,

— Je demande pardon. L'insuf&sante victoire dont je parle plus haut, c'est seulement celle de notre idéal politique. (Et je ne pense pas d'ailleurs qu'elle fût souhaitable com- plète.) Nulle part je ne mets en doute la plénitude ni l'inté- grité de notre victoire matérielle sur l'Allemagne. Quoi qu'il puisse maintenant se passer, la France, comme nation, me paraît avoir acquis une assiette, qui non seulement lui permet, qui lui fait un devoir de penser hardiment et dans tous les sens, sans plus se laisser paralyser par l'instinct de conservation.

« Défense de l'intelligence française » : c'est exactement à cela que je voudrais dévouer mes forces, que je souhaiterais

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