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RÉFLEXIONS SUR LA LITTÉRATURE 605.

de la vie, mais descendu par un vol inattendu de la destinée, et prenant une figure extraordinaire et lyrique. UAmadis de Gaule et les romans de Mlle de Scudéry sont des romans romanesques, et le Roman d'un jeune homme pauvre ou l'Abbé Constantin pareillement, les romans romanesques d'une société d'argent. Don Quichotte parodie le roman romanesque et Madame Bovary de même.

Le roman romanesque a pour clientèle des femmes à l'imagination faible et à la vie froissée, des Emma Bovary. Il a pu rencontrer, avec les Amadis, avec Madeleine de Scudéry, avec nos auteurs de roman-feuilleton, d'immenses succès de lecture, il est toujours demeuré en dehors de l'art. D'autre part le romanesque, c'est-à-dire un certain arrange- ment inattendu des événements analogue à celui qui est requis au théâtre, figure comme élément secondaire et utile dans le roman normal, ne disparaît même pas du roman que le réalisme construit contre le romanesque, comme Adam Bede ou V Education sentimentale. Tout roman sur l'amour, en tant qu'il montre l'amour tourmenté ou empêché, implique du romanesque, tout roman sur la vie, en tant qu'il la montre froissée ou accidentée, implique du romanesque. Si le roman d'aventures anglais nous paraît appartenir à une nature vraiment difiérente du romanesque, c'est que, mis en présence des circonstances les plus extraordinaires, ses héros demeurent tendus uniquement vers l'action ; leur représentation est, pour varier une expression bergsonienne, superposable à l'action. Or, le romanesque prend sa source dans un exercice de l'imagination, un débordement de la représentation, un reflux ou une écume de l'action impossible ou empêchée.

Il semble donc qu'à la différence du roman d'aventures anglais qui demeure uniquement, aisément, naturellement sur le plan de l'aventure, les Français entendent par roman d'aventures une fusion ou, comme disent les philologues, une

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