594 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE
ORIAN. — Je vois une face qui se tourne vers là mienne, un beau visage, père, un pauvre visage qui ne voit pas !
LE PAPE PIE. — Il te verra plus tard.
ORIAN. — J'entends une voix qui dit : Orian, ne me reconnais-tu pas ?
LE PAPE PIE. — Il faut lui fermer tes oreilles.
ORIAN. — Je revois de nouveau cette expression qu'elle avait, la joie peu à peu qui devient plus forte que le doute, ce mélange si touchant de désir et de confusion et de dignité virginale !
LE PAPE PIE. — Sois fort !
ORIAN. — Je vois cette tête qui fléchit, j'entends cette voix qui dit tout bas : Orian ! Et de nouveau, — de nou- veau — si bas qu'on peut à peine l'entendre...
Silence.
LE PAPE PIE. — Pleure, mon enfant, cela te fera du bien.
ORIAN. — Je ne pleure pas.
LE PAPE PIE. — Pardonne-moi si je t'ai parlé, non en mon nom, mais au nom de ce qu'il y a de plus profond en toi.
Bientôt le vieillard importun n'est plus.
Reste avec moi du moins, toi, mon fils préféré, à cette heure de la tribulation et du dépouillement qui approche. Reste avec moi à cette heure où tous vont me répu- dier.
ORIAN. — Je reste avec vous. J'ai foi en vous. Je crois que ce que vous me conseillez est bien.
LE PAPE PIE. — Est-ce moi seul qui te conseille ?
ORIAN. — Ah, votre voix n'aurait pas tant d'empire,
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