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564 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

ORIAN. — Belle comme vous l'êtes...

Elle lui met légèrement la main

sur le bras. Eh bien ?

PENSÉE. — J'écoute ce que vous dites.

ORIAN. — Et quand vous seriez misérable encore et autant que vous le croyez.

Nous sommes jeunes! Et la vie est grande ouverte devant nous, celle-ci, et l'autre par derrière qui n'a aucune fin!

Ah ! rien que de vivre et de voir et d'avoir les yeux ouverts et d'être vivant et de voir le soleil est beau !

PENSÉE. — Oui, rien que de voir la lumière est doux.

ORIAN. — Ou la nuit même sans laquelle il n'y aurait pas toutes ces étoiles.

PENSÉE. — Je ne les vois pas, j'écoute seulement ! Je ne veux pas voir, j'écoute ! (Et tenez, ce bruit si triste, entendez-vous ? comme un plumage froissé.

C'est le troisième palmier à notre droite.)

Mais peut-être que si vous me disiez : Ouvrez les yeux, Pensée !

Peut-être qu'alors j'ouvrirais les yeux et je verrais.

ORIAN. — Est-ce pour fermer les yeux que vous êtes venue à Rome ?

PENSÉE. — Montrez-moi la Justice et cela vaudra la peine de les ouvrir! Qu'est-ce que cette Beauté qui ne nous empêche pas d'être aveugles ?

Moi aussi, on m'a conduite au milieu de vos dieux grecs, moi aussi, j'ai posé la main sur ce marbre qui brûle ?

C'est ce que nous, les gens de l'ancienne Foi, nous appehons les idoles.

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