540 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE
PENSÉE. — Pourquoi donc m'avoir amenée ici ce soir ?
SICHEL. — Déjà j'avais parlé à ton père.
PENSÉE. — Mon père ? Ils n'ont point de fortune.
SICHEL. — Oui, mais ils sont neveux du Saint-Père, Orian est son filleul.
PENSÉE. — Toi-même, mère, que dis-tu ?
SICHEL. — Pensée, comment aimerait-il une aveugle et une Juive ?
PENSÉE. — Oui, cela est impossible.
SICHEL. — La fille de son ennemi ? L'ennemi du Pape, — car il sait l'œuvre que fait ton père
A Rome et à Paris.
PENSÉE. — Non, il ne peut m'aimer.
SICHEL. — Sa maison même, nous venons de la lui prendre.
PENSÉE. — Pauvre garçon !
SICHEL. — Quelqu'un dit qu'il veut embrasser la carrière ecclésiastique.
PENSÉE. — Il reste Orso.
SICHEL. — Pour moi, c'est celui que je préfère.
PENSÉE. — Il ne me plaît pas.
SICHEL. — Mais comment peux-tu les distinguer ? Leurs voix sont si semblables
Que je ne puis y voir différence, pour mon oreille qui est celle d'une musicienne.
PENSÉE. — Non, ils ne son^ pas semblables.
SICHEL. — - C'est Orso qui est le plus fort et le plus beau. On ferait quelque chose de lui.
PENSÉE. — Oui. C'est peut-être lui que j'aimerais, si je voyais clair.
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