LE PÈRE HUMILIÉ 537
PENSÉE. — Je suis perdue désormais partout où je ne suis pas avec lui !
SICHEL. — Parole dure pour ta mère.
PENSÉE. — Pardonne ! je ne sais ce que j'ai dit.
Et quand il ne serait jamais à moi, rien ne peut empêcher que je ne l'aie trouvé !
Je l'ai trouvé, et lui, me trouvera-t-il dans les ténèbres où je suis ?
Cette joie inattendue, et ce malheur qu'elle m'a révélé !
Tout cela d'un même coup comme une lame en plein cœur !
SICHEL. — Va, il ne t'aimera pas comme je t'aime.
PENSÉE. — M'aimer, grand Dieu! Et qui parle de cela ? Quel mot dis-tu ? oui, je le veux ! il ne me connaîtra jamais. Que parlais- je de ténèbres ? Heureuses ténèbres, qui me permettent d'y être si bien cachée !
Ah, je n'y suis plus seule désormais et la découverte de ce seul moment est assez grande ! Viens, fuyons ! Comment me laisserais-je enlever mon secret ? Que fera- t-il d'une aveugle ? Que ferai-je s'il vient à me deviner ? C'est sûr, il me repoussera. Que ferai-je s'il me méprise, ou si seulement il vient à s'apercevoir de ce sentiment ?
— Belle? Tu m'as dit quelquefois que j'étais belle, maman ?
SICHEL. — Trop pour que tu me sois laissée.
PENSÉE. — Aussi belle que la plus belle en ce monde que je ne connais pas ?
SICHEL. — Tu le sais, et ton jeune cœur en toi suffit pour te l'apprendre.
PENSÉE. — EKs, est-ce que tu m'as fait bien belle ce sdir ?
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