RÉFLEXIONS SUR L'ALLEMAGNE 45
Vous VOUS êtes gaussé de ce que nous appelions notre culture européenne, et faute d'entendre ce que nous en- tendions par là, vous avez laissé croire et fait croire, et cru vous-même ou feint de croire, que nous prétendions dénationaliser les littératures, lorsque, au contraire, nous ne reconnaissions de valeur qu'aux œuvres les plus pro- fondément lévélatrices du sol et de la race qui les portait.
L'étrange c'est que cette accusation venait de vous qui nous reprochiez d'autre part nos tendances individua- listes et prétendiez dégonfler l'individu pour le plus grand profit de l'État. Nous avons soutenu, tout au contraire, que l'œuvre d'art la plus accomplie sera tout aussi bien la plus personnelle, et qu'il n'est d'aucun profit pour l'artiste de chercher à se résorber dans le flot ; nous avons toujours soutenu que ce n'est pas en se banalisant, mais en s'individuahsant, si l'on peut dire, que l'individu sert l'État ; et de même c'est en se nationalisant qu'une littérature prend place dans l'humanité et signification dans le concert. La méprise vient de ceci que — convaincu de la profonde vérité contenue dans l'enseignement du Christ : quiconque veut sauver sa vie la perdra, mais quiconque donnera sa vie la rendra vraiment vivante — nous avons cru que le sommet de l'individualisme est dans le sacrifice (mais volontaire) de l'individu ; que l'œuvre la plus personnelle est celle qui comporte le plus d'abnégation, et de même la plus profondément natio- nale, la plus particuHère, ethniquement parlant, est aussi bien la plus humaine et celle qui peut toucher le plus les peuples les plus étrangers. Quoi de plus espagnol que Cervantes, de plus anglais que Shakespeare, de plus italien que Dante, de plus français que Voltaire ou Mon-
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