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ses aspirations ; pour y aboutir, ses vœux n’ont eu presque aucune distance à parcourir ; elle y est tombée au premier pas qu’elle a essayé de faire toute seule.

On verra, dans le livre si intéressant de M. Antonelli sur la Russie bolcheviste, dont je citais tout à l’heure un passage, la façon dont Lénine et Trotsky s’y sont pris pour établir et pour asseoir leur régime[1]. Au fond ils n’ont pas eu vraiment à l’imposer ; ils n’ont fait œuvre que de psychologie. Partout ils ont prévu et prévenu les désirs essentiels des masses. À la différence de tous les partis qui les avaient précédés au pouvoir, ils ont su démêler la tendance vraiment profonde et primitive du génie russe, et tout leur programme n’a été que de lui donner satisfaction. Les premiers ils ont su comprendre que le Russe cherchait, appelait de tout son instinct la vie collective et qu’il ne rêvait de liberté que pour le groupe dont il faisait partie.

Les bolcheviks ont su transformer le socialisme exactement dans la mesure où il le fallait pour qu’il devînt l’exercice le plus spontané et le plus agréable que le peuple russe pût souhaiter de ses fonctions psychologiques. En effet : « Rompant totalement avec les méthodes occidentales que les libéraux ou les socialistes démocrates s’efforçaient, pendant la première partie de la Révolution, de plaquer sur le vieux fond slave, les bolcheviks n’ont jamais conçu le pouvoir comme une nappe d’autorité s’étendant de la source au peuple, de telle sorte que le maître de la source soit toujours le maître de l’épandage autoritaire. Ils ont, au contraire, laissé l’autorité s’épanouir directe-

  1. Voir en particulier le chapitre III : Les bolcheviks et le peuple, p. 69.