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la voix et de faire entendre leurs doléances : « Ne vous gênez pas, leur répond-on. Réclamez ; protestez ; vous êtes bien libres. La loi est la même pour vous que pour vos oppresseurs. Vous pouvez dire tout ce qui vous chantera. À condition que vous respectiez les droits qui s’exercent à vos dépens, nous vous garantissons la liberté de vos meetings ; vous pourrez y exposer sans retenue toutes vos revendications. »

Et ainsi de partout la Liberté se moque d’elles. Du moins elles l’en accusent. Aussi n’en veulent-elles plus. Elles la chassent délibérément de leur programme. Leur idéal devient exactement le contraire de celui que nous avons pris l’habitude en France de considérer comme le seul révolutionnaire[1] : suppression de tout le jeu dont profitait jusqu’ici l’individu, réglementation de plus en plus étroite de son activité, resserrement de la trame sociale jusqu’à ce qu’il s’y trouve pris et parfaitement empêché, transmission à la collectivité de tous ses droits, stricte surveillance par elle de toutes ses démarches même les plus indifférentes moralement.

Je ne me donnerai pas le ridicule de définir après tant d’autres l’idéal socialiste. En gros, c’est lui qu’embrassent et chérissent, avec une force jusqu’à ce jour inconnue, des peuples entiers, et particulièrement ceux qui ont combattu contre nous ou qui ont retourné contre nous leurs armes : l’Allemagne et la Russie.

  1. Dans un discours récent sur le programme de la Confédération Générale du Travail, M. Léon Jouhaux observait avec beaucoup de raison : « Si nous avons été nourris dans la tradition révolutionnaire, nous nation française, nous l’avons été dans une tradition révolutionnaire politique et non pas dans une tradition révolutionnaire économique. »