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monde que tous ces gens de bibliothèque, d’école ou de bureau s’y sont si facilement, si joyeusement résignés. C’est pour la liberté du monde que l’intelligence française s’est fait pendant plus de quatre ans décimer.

Or, voici où commence le drame. Voici où notre situation devient vraiment tragique.

Il n’est pas bien sûr que le monde ait besoin de cette liberté que nous pensons lui avoir acquise au prix de si monstrueux sacrifices. Il n’est pas bien sûr que la liberté soit aujourd’hui son vœu le plus cher, l’aliment dont il ait le plus faim. On peut en douter, on est en droit de s’inquiéter s’il n’aurait pas par hasard de tout autres appétits. Il semble bien que la demande, en matière de liberté, soit à l’heure actuelle, pour l’humanité, prise dans son ensemble, de beaucoup au-dessous de l’offre que nous faisons. Il est à craindre que le marché ne soit pas du tout tel que nous l’avions supposé ; nous risquons fort de rester avec notre stock sur les bras.

Si nous prenons la guerre dans son ensemble, si nous cherchons à la considérer d’un point de vue extra-national, il nous sera bien difficile de la voir comme la suite ou le complément des guerres de la Révolution. Elle a été cela pour nous, la chose est incontestable. Mais on peut se demander si nous n’avons pas fait notre guerre tout seuls. N’aurions-nous pas, par hasard, combattu dans un plan mental absolument différent de celui où tous les autres peuples sont placés ? L’idéal des « droits de l’homme » ne serait-il pas quelque chose de relativement subjectif ? Ne serions-nous pas les seuls aujourd’hui, je ne dis pas