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tement redressé : au bout de quinze jours il tenait tête à son feldwebel, et si fermement que l’autre, mal habitué à cette sorte de résistance et ne sachant comment la réduire, choisissait de le laisser tranquille.

Mais pour l’instant, plus que ses fruits qui dans l’ensemble restaient assez médiocres, c’est la nature même du prosélytisme français qui nous intéresse. Je le vois comme un grand effort pour arracher chaque individu à la masse sociale, pour le désengager, pour le « désubordonner », pour lui rendre de l’indépendance, de la taille et, si j’ose dire, de la tige. Il ne tend nullement à l’établissement d’un ordre nouveau. Il cherche surtout d’abord à relâcher une trame trop serrée pour son goût ; il veut réintroduire les intervalles qu’on lui semble oublier ; son œuvre est avant tout de disjonction, et de restitution des individus à eux-mêmes ; son but est leur affranchissement pur et simple, sans aucune préoccupation des suites possibles ; il leur remet la bride sur le cou, et ensuite, d’une petite tape sur la croupe, il leur conseille simplement d’aller.

Pour le Droit et pour la Liberté. Nous avons combattu, avec une colère et une obstination prodigieuses, pour que chaque homme au monde puisse enfin faire ce qui lui plaira et ne soit plus « embêté par personne ». Pour rien de moins, mais pour rien de plus. On n’a peut-être jamais vu, dans toute la suite des temps, un peuple retrouver aussi exactement sa propre tradition, recommencer aussi textuellement, à un siècle d’intervalle, la tâche qu’il s'était une fois donnée. C’en est touchant, c’en est presque un peu ridicule. L’idéal que s’étaient formé nos pères de la Révolution, à notre tour nous l’avons saisi, embrassé, adoré, nous l’avons serré tel quel contre notre cœur.