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42 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

à bout de formidables besognes et d'écrire des livres si épais — je me souviens du mot de S... que j'allais vgirà Zurich deux ans avant la guerre (nous ne parlâmes que de la guerre, qu'il prévoyait fatale ; oh ! qu'il connaissait bien les Allemands!). Ils sont, me disait-il, « incomparable- ment plus bêtes, plus ififormes, plus inexistants que le Français ne peut les croire. Mais, et à cause de cela même, ils ne sont jamais distraits. Songez à tout ce qui se passe dans la tête d'un Français, en travers de son travail, quel que soit ce travail. L'Allemand, lui, ne songe à rien ; il n'a pas d'existence personnelle ; il est tout à sa tâche. Il est capable certains soirs de faire une noce à tout casser, de se saouler comme une brute ; mais le lendemain matin il se retrouvera devant son comptoir, ou dans son bureau comme si de rien n'était. »

Ils ne sont jamais distraits. Que de fois je me suis sou- venu de ce mot. Il me paraît qu'on n'a jamais dit sur l'Allemand rien de plus juste. Et quelle explication, pour nous Français, qui sans cesse nous laissons distraire par déHcatesse, par sensibilité, curiosité du cœur, de la chair et de l'esprit, et par cette générosité native, irré- pressible qui prend le pas sur nos intérêts.

Dans un fauteuil, auprès de moi, ma vieille chatte allaite les deux petits bâtards qu'on lui a laissés.

Quand tout serait remis en question (et tout est remis en question) mon esprit se reposerait encore aans la contemplation des plantes et des animaux. Je ne veux plus connaître rien que de naturel. Une voiture de maraî-

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