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484 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

mer, grâce à quoi Thésée entre en possession de son royaume. Un oubli ? Allons donc ! Il oublie de changer la voile comme il oublie Ariane à Naxos... Et je comprends que les pères n'enseignent pas cela aux enfants ; mais pour cesser de réduire l'histoire de Thésée à l'insigni- fiance d'un conte de nourrice, il n'est qu'à restituer au héros sa conscience et sa résolution.

Cette fatalité intérieure qui le mène, qui le pousse aux exploits, combien j'aime à la retrouver dans ces paroles de Racine :

Compagne du péril qu'il vous fallait chercher...

Oui, je tire à moi, quelque peu, le sens de ces mots ; je l'avoue. Mais laissez donc ! L'œuvre d'art accomplie a ceci de délicieux qu'elle nous présente toujours plus de signifiance que n'en imaginait l'auteur; elle permet sans cesse une interprétation plus nourrie. Croyez-vous un instant que Hugo ait songé, en écrivant sur l'air de Mal- borough sa chanson funèbre, à tout ce que Péguy dans sa Clio, y découvre ? Et pourtant qui osera dire que Péguy n'a pas eu raison de l'y voir ?

J'imagine à la cour de Crête, ce Thésée

Charmant, jeune, traînant tous les cœurs après soi,

dont va s'éprendre la fille aînée de Minos, et qui va s'éprendre de la cadette. Il vient pour triompher de ce monstre, fils de la reine et du taureau (j'ai déjà dit mon opinion sur le Minotaure : pour peu que Pasiphaë ait eu vent de l'amoureuse aventiire de Léda, elle pouvait bien supposer après tout que ce taureau cachait Jupiter même. Certaine école critique ne consentit à voir dans le tau- reau qu'un certain Taurus, jardinier du roi, ou général ;

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