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456 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Il n'est peut-être pas de gi oupe littéraire qui ait donné autant à la Patrie que la Revue critique des Idées et des Livres. Si le sang versé des martyrs répond de la vérité de leur Foi, nous ne saurions trop prendre en considération une doctrine qui, s'affichant nationaliste, a formé de tels hommes pour défendre la nation. Je n'ai pas le dessein d'étudier aujourd'hui les raisons qui, avant la guerre, pouvaient justifier certains heurts, certains froissements et même, disons le mot, une sorte d'incompatibilité de nature entre la Revue critique et notre revue. Notez qu'ici et là, nous pensions travailler pour la même cause, celle du classicisme français ; mais le mien tentait quelquefois des aventures si risquées, qu'il devait juger rétrograde celui de nos émules et rivaux. Je m'entêtais à ne vouloir considérer dans leur doctrine que les restrictions au lyrisme (dans la forme comme dans le fond) dont nous donnait l'exemple raisonnable le poète Jean- Marc Bernard. C'est toute une enquête à refaire et je suis décidé à la faire en ami. Certes, je ne déniais pas au groupe ses qualités d'intélHgence ; ni Eugène Marsan, ni André du Fresnois, ni Pierre Gilbert, ni même Clouard n'étaient pour çioi des étrangers ; mais leur raison me paraissait trop souveraine et je lui reprochais de dessécher le cœur, d'éteindre la curiosité, de glacer l'inspiration. Que tout cela est loin ! — Entrons dans la Forêt des Cippes.

Des cippes ? non. Je vois des arbres, de jeunes aibres, au fût droit en effet, mais poussant de partout de fins rameaux au bout de fortes branches, puisant partout l'air et le jour. Ce n'est pas la froide raison qui, dès les premiers pas, me frappe, c'est la vie, la hardiesse, l'originalité, la sensibilité de l'esprit. Pierre Gilbert, qu'il faut pleurer, s'intéressait autant, et peut-être plus aux hommes qu'aux œuvres, à l'écrivain qu'à ses écrits ; c'était un peu le cas de Sainte-Beuve. Aussi, son pieux camarade n'aura-t-il pas eu tort de placer en tête du livre, ces « Anecdotes sur le prince de Ligne » si pleines

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