38 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE
contraire : il importe, et même pour nous, qu'elle existe), il importe de l'empêcher de nuire, c'est-à-dire de nous manger... Diviser l'Allemagne ; et pour la diviser, la première chose à faire, c'est de ne pas mettre tous les Allemands dans le même sac (et si vous affirmez qu'au fond tous se valent, faites attention qu'alors c'est que vous croyez le départ entre eux impossible, et qu'ils n'accepteront pas, eux, si vraiment ils sont si semblables, cette division que vous voudriez leur imposer). Combien ne sont-ils pas plus habiles ceux qui, dès aujourd'hui, démêlant parmi l'Allemagne moderne l'idée prussienne comme un virus empoisonneur, excitent contre cet élément prussien l'Allemagne même et, au lieu de chercher dans Gœthe des armes contre nous, lisent ceci par exemple (l'a-t-on déjà cité ? je ne sais) dans ses Mémoires :
« Au miheu de ces objets, si propres à développer le sentiment de l'art (il visite Dresde), je fus attristé plus d'une fois par les traces récentes du bombardement. Une des rues principales n'était qu'un amas de décombres et dans chaque autre rue on voyait des maisons écrou- lées. La tour massive de l'éghse de la Croix était cre- vassée ; et quand, du haut de la coupole de l'église de Notre-Dame, je contemplais ces ruines, le sacristain me disait avec une fureur concentrée : « C'est le Prussien qui a fait cela. »
Gœthe et Nietzsche (et à de moindres degrés plusieurs autres) sont nos otages. Je tiens que la dépréciation des otages est une des plus grandes maladresses à quoi excelle notre pays.
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