RÉFLEXIONS SUR L'ALLEMAGNE 37
�� ��Nous avons dans notre jeu les atouts les plus admi- rables, mais nous ne savons pas nous en servir.
Rien ne peut être plus démoralisant pour la jeunesse allemande pensante (et tout de même il y en a) que de ne pas sentir Gœthe avec soi — (ou Leibniz, ou Nietzsche). — On se rend mal compte en France, où nos grands écri- vains sont si nombreux et où nous les honorons si mal, de ce que peut être Gœthe pour l'Allemagne. Rien ne peut lui faire plus de plaisir, à l'Allemagne, qu'une thèse comme celle de M. B... qui déjà découvre dans le Faust l'invitation à la guerre actuelle. Ce qu'il y a de rassurant pour nous dans cette thèse, c'est qu'elle est absurde. Ce qui peut, au contraire, désoler la jeune Allemagne pen- sante, c'est de sentir que cette guerre monstrueuse où on l'entraîne, Gœthe ne l'aurait pas approuvée, non plus qu'aucun des écrivains d'hier qu'elle admire. Il est sans doute flatteur, capiteux même, de se dire et de s'entendre sans cesse répéter que le peuple dont on fait partie est désigné pour gouverner la terre ; mais si ce sophisme est par avance dénoncé par les plus sages de ce peuple même, est-il adroit de notre part de traiter ces sages de brigands, d'imposteurs ou de fous ?
L'écrasement de l'Allemagne ! J'admire si quelque esprit sérieux peut le souhaiter, fût-ce sans y croire. Mais diviser l'Allemagne, mais morceler sa masse énorme, c'est, je crois, le projet qui ralHe les plus raisonnables, c'est-à-dire les plus Français d'entre nous. Il n'importe pas de l'empêcher d'exister (au
�� �