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NOTE SUR M. DESCARTES 413

faut que l'image de Polyeucte vainque dans l'esprit de Sévère. Sévère ne peut pas connaître Polyeucte lui-même. Il ne peut pas connaître l'être de Polyeucte. Autrement, il serait chrétien. Car connaître ici c'est connaître en com- munion. Il ne peut connaître qu'une certaine image de Polyeucte. Celle qu'il a. Et c'est une image païenne. Polyeucte tient extrêmement à ce que cette image (païenne) de lui soit une haute image et une image de grandeur et une image d'honneur et pour Sévère et dans Sévère l'image de celui qui l'a vaincu en un honneur même païen. C'est dans le jeu même de Sévère qu'il faut que Polyeucte gagne. Car Sévère ne comprend pas l'autre jeu. Et pour qu'il se rende compte que Polyeucte gagne et que Polyeucte vainc il faut que ce soit dans son système de jeu que Polyeucte gagne et que Polyeucte vainque.

C'est le système et c'est la théorie même de l'image. Nulle sûreté de conscience, même intégrale, ne suffit à Polyeucte. Il ne suffit pas qu'il soit sûr de soi, conscius 'sui, et qu'il ait intégralement raison avec lui-même. Il ne suffit pas même qu'il soit de Dieu c'est-à-dire du juge- ment que Dieu porte sur lui et de la connaissance que Dieu a de lui. Il faut encore qu'il soit sûr d'un jugement infirme parce que c'est tout de même un jugement d'honneur. Et il faut encore qu'il soit sûr d'une connaissance inexacte, imparfaite, transposée, parce que c'est tout de même une connaissance d'honneur. Il ne lui suffit pas qu'il ait intégralement raison avec lui-même. Il ne lui suffit même pas qu'il ait intégralement raison avec Dieu. Il faut encore qu'il ait raison devant celui-ci, qui ne s'y connaît pas, parce que celui-ci est tout de même un homme d'honneur.

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