350 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE
connais que comme je suis avec toi, où je me tiens, mais au fond je suis mou comme une chiffe... {après une petite hésitation', ah! premier froncement des sourcils, première lutte contre le silence, premier heurt contre la muraille!) une nature, peut-être...
ANTONIN. — Une nature... quels mots curieux... Mais c'est égal, une nature, non, je t'assure, ici, c'est plutôt du caractère. C'est du caractère que d'avoir des idées ainsi à soi et de n'en pas démordre, et puis d'avoir cette foi dans les êtres. Oui, vraiment, je t'admire.
GÉRARD. — Oh ! je t'en prie, ne m'admire pas.
ANTONIN. — Et je songe que tu dois avoir une très mauvaise opinion de moi, que je te dénigre ainsi un de tes professeurs.
GERARD. — Oui, je trouve ça très mal.
ANTONIN. — . Pourtant, parce que le hasard l'aurait fait ton professeur, devrais-je ne pas te mettre en garde, par exemple, contre quelqu'un dont je saurais que la vie est mauvaise ? Non, j'ai conscience de n'avoir pas mal fait.
GÉRARD. — Alors, de ton côté, tu es tranquille.
ANTONIN. — De mon côté... Et du tien, je devrais ne pas être tranquille ?
GÉRARD. — Ne t'inquiète pas. Tu sais, je suis bien soigné au point de vue moral.
ANTONIN. — Nous disons des choses pas ordinaires. Ils passent devant le Grand Palais.
GÉRARD. — Tiens, là, au coin du pont Alexandre, hier soir, j'ai attendu papa pendant une heure. Sais- tu ce que j'ai fait ?
ANTONIN. — Non.
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