340 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE
Dans l'air appesanti de votre tiède arôme,
Je vous sens à mon cou, longues tresses de Rome,
Peser d'un poids si lourd par vos nœuds embrassés,
Qu'ils tiennent sur mon sein languissamment fixés
L'haleine et le sommeil de la Ville enchantée.
Nuit transparente et belle, ô substance argentée ;
Arbres vous empruntant vos antiques arceaux ;
Branches, jardins taillés, suite épaisse d'ormeaux
A baissant à ma tête une voûte sacrée ;
Palais qui semblez faits de matière éthérée,
Dans votre or veillissant sous la pierre enfoncés,
De quel son grave et pur en m^i vous bruissez !
Or, sur le même ton de juste mélodie
Oii finit et revient leur mesure assourdie,
J' écoute, tout le long de ces marches pendant
Au beau rythme accouplé qui va les accordant,
Et par degrés égaux soutient leur double stance,
J'écoute remonter des musiques de France,
Un chant dont la cadence et la noble lenteur
Mêlent à leur tristesse un ancien bonheur
Qui m'incline en secret l'âme à son tendre nombre.
Qui fait autour de moi chuchoter la pénombre ?
Que d'amour, cette nuit, invisible et prochain,
Si près que je pourrais, en étendant la main,
Y toucher chaque fois et la ramener pleine.
Tantôt rôde et suspend sa démarche incertaine,
Et reprend pas à pas son silence évasif !
Car l'amour le meilleur est cet amour furtif
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