Page:NRF 13.djvu/335

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et de donner ce nom à certain mode d’existence, au lieu d’en faire un pur synonyme de contemporain. Il y a dans l’histoire des moments et des lieux où nous pourrions nous introduire, nous modernes, sans troubler excessivement l’harmonie de ces temps-là, et sans y paraître des objets infiniment curieux, infiniment visibles, des êtres choquants, dissonants, inassimilables. Où notre entrée ferait le moins de sensation, là nous sommes presque chez nous. Il est clair que la Rome de Trajan, et que l’Alexandrie des Ptolémées nous absorberaient plus facilement que bien des localités moins reculées dans le temps, mais plus spécialisées dans un seul type de mœurs et entièrement consacrées à une seule race, à une seule culture et à un seul système de vie.

Eh bien! l’Europe de 1914 était peut-être arrivée à la limite de ce modernisme. Chaque cerveau d’un certain rang était un carrefour pour toutes les races de l’opinion ; tout penseur, une exposition universelle de pensées. Il y avait des œuvres de l’esprit dont la richesse en contrastes et en impulsions contradictoires faisait penser aux effets d’éclairage insensé des capitales de ce temps-là : les yeux brûlent et s’ennuient... Combien de matériaux, combien de travaux, de calculs, de siècles spoliés, combien de vies hétérogènes additionnées a-t-il fallu pour que ce carnaval fût possible et fût intronisé comme forme de la suprême sagesse et triomphe de l’humanité ?

Dans tel livre de cette époque — et non des plus médiocres — on trouve, sans aucun effort : — une influence