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NOTES 315

s'agit pas de savoir si Pelléas est une œuvre belle et pathé- tique : personne ne le nie ; il s'agit de savoir si c'est une œuvre hors de pair, une grande date de l'art français, si cet ouvrage domine de très haut tous ceux de la même époque. Il s'agit de franchir la distance entre un simple témoignage d'admiration et un acte de respect où justice soit enfin pleinement rendue à une œuvre maîtresse. Mille petites considérations empêchent que l'on marque volon- tiers tant de déférence à un vivant; la mort rend un tel geste plus facile ; nous l'attendions ; la représentation de rOpéra-Comique ne nous y achemine guère.

M. Messager a conduit l'orchestre d'une manière vivante, puissante, qui donnait toute leur force aux parties joyeuses et exaltées de la partition ; il nous a même paru quelquefois, par crainte de toute mièvrerie, pécher par un excès d'énergie et de netteté. Mais comment sauvegarder l'équilibre d'une œuvre où le chant et le récitatif ont tant de part, lorsque les deux rôles principaux sont confiés à des artistes presque apho- nes ? Chaque fois que Geneviève, Arkel ou Golaud entraient en scène, le drame reprenait toute sa vigueur ; l'orchestre se subordonnait de la façon la plus heureuse; mais pour ne pas couvrir les voix de Mélisande et de Pelléas, il lui aurait fallu consentir à n'être plus qu'un susurrement. Il en est résulté de grands espaces vides, des trous, des passages mornes et sans vie, dont certes Debussy n'est pas responsable et dont il aurait été bienséant de ne pas déparer son œuvre.

La cohue bigarrée qui se presse actuellement dans nos salles de spectacles ne peut réagir que confusément ; mais ce qui est certain, c'est que toute la partie de l'assistance venue non pour aller à F Opéra-Comique, mais pour voir Pelléas, ne savait comment exprimer son malaise; elle craignait que l'on ne fît retomber sur l'œuvre une mauvaise humeur dirigée contre les interprètes seuls, ou que ceux-ci ne prissent pour eux des marques de joie qui ne les concernaient point.

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