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298 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

durée. L'amour parfait arrive à noyer les instants de pos- session charnelle dans une telle constance et une telle habi- tude de possession générale qu'ils cessent presque d'être des instants privilégiés, ne participent plus qu'à ce privilège général d'une vie nombreuse, élastique et tendue, qu'ils relient ces «conversations » tout autant que ces conversa- tions les relient. Il en est de même des moments d'inspira- tion. Il y a dans les Contemplations une admirable pièce, Cerigo, où Victor Hugo rend sensible comme une palme d'étoiles cette cristallisation de l'amour dans le temps. On pourrait la transporter tout entière dans le monde de son art, dans le rythme intérieur de la création hugolienne, de l'ordre de Vénus dans celui d'Apollon. Cette pièce de Hugo, M. Mauclair qui ne s'en souvenait sans doute pas à ce moment, nous en a rendu le sens et même un peu le mouve- ment dans son très beau morceau sur la Vieillesse des Amants. Comme il étend la cristallisation dans la durée, M. Mauclair retend dans l'ordre de l'être et s'efforce de le faire sortir de l'individualisme où Stendhal, selon lui, l'a trop enfermée. « La cristallisation de Stendhal dit-il, ne définit qu'un amour unilatéral : elle exprime ce qui se passe dans le moi d'un être songeant à rechercher un autre être, elle n'explique pas la réciprocité de cette recherche et c'est en quoi elle n'est pas complète. A la cristallisation je suis enclin à substituer la polarisation. S'il nous est donné aujourd'hui de concevoir l'être humain comme un faisceau d'énergies nerveuses capables d'émissions électriques, fluidiques, magnétiques, et susceptible des actions et réactions propres à ces états, il nous sera donné par là-même de situer la naissance de l'amour à l'instant où ces émissions se combinent avec celles d'une autre créature, et où les unes et les autres se polarisent. » Il y a pourtant cette différence que la cristallisation est une idée fort claire parce qu'elle ne veut être qu'une métaphore, tandis que la polarisation de M. M§.uclair devient peut-être

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